dimanche 10 avril 2016

Volcan San Jose (5856m) - Un très grand bol d'air très frais

Bien qu'il soit difficile de convaincre nos collègues de l'intérêt de consommer 2 de nos 15 jours de congés annuels pour souffrir en haute altitude, c'est avec une grande curiosité que tous nous encouragent dans ce projet d'ascension préparé durant 3 mois. Finalement nous décidons de partir à deux malgré l'intérêt de six autres compagnons de cordées qui ne purent se soustraire à leurs contraintes personnelles et professionnelles.

Les deux cratères du volcan San Jose
Camp de base n°1

 

Jour 1, départ 7h avec un transfert privé direct pour ne pas perdre de temps. À 10h nous commençons à marcher sur la première partie plate qui n'en finit pas. Les travaux de conduite forcée du projet Alto Maipo s'intensifient. Le bruit sourd des tractopelles et autres poids lourds résonnent à travers les vallées du Cajon del Maipo. Bientôt tous ces cours d'eaux sombreront dans d'immenses galeries de béton pour alimenter Santiago en électricité et remplir quelques poches déjà bien pleines... Ce jour là les randonneurs du dimanche ont déserté les lieux. Seul un canadien de 82 ans, oui vous avez bien lu, 82 ans gravit péniblement mais avec une détermination admirable les 500m qui le sépare de son objectif: le refuge Plantat (3130m). Monsieur Morton, bravo et notre respect le plus sincère !

Refuge Plantat


La légende Donald Morton


Alto Maipo: une inspiration pour le randonneur dessinateur


Jour 2, il nous faut gravir une pente certes régulière mais pierreuse de 1000m de dénivelé pour atteindre le camp de base n°2 situé à 4800m environ. Pour s'économiser et éviter tout signe de mal aiguë des montagnes (MAM) nous nous sommes efforcés de suivre quelques règles de base: bien dormir, monter sans forcer, prendre son temps, éviter de se perdre et enfin boire énormément. Au détour d'un névé nous rencontrons deux personnes du village Baños Morales, fières d'avoir réalisé l'ascension du volcan la veille et qui nous proposent chaleureusement de passer boire une bière dans leur auberge à notre retour. Après quelques minutes de conversation, nous continuons notre chemin et choisissons de suivre la trace GPS qui semble contourner une zone exposée aux chutes de pierres. Un autre groupe de 3 personnes choisit au contraire d'arpenter le fond de vallée entre pénitents et rochers instables. La trace GPS passe sur un glacier recouvert de pierres et zigzagant entre des crevasses peu menaçantes mais assez grandes. Après un sérieux doute d'une heure quant à l'issue de ce sentier glaciaire, nous retrouvons la terre ferme et un dernier pierrier qui débouche sur une épaule où se logent une dizaine d'emplacements de bivouacs abrités du vent. Nous reconstituons les stocks d'eau et apprécions un splendide couché de soleil tout en dégustant un copieux repas.

Camp de base n°2
Vue sur le Loma Larga


Jour 3, départ 4h45 dans la nuit noire ! Un peu plus haut, les lumières de l'autre cordée nous guident durant 3 heures à travers l'obscurité, le silence et le froid. Nous les croisons au niveau de la traversée de névé/glacier puis faisons une pause au col pour réchauffer les pieds inertes de Philo. Le vent forcit et nous ne profitons des premiers rayons de soleil qu'à l'altitude 5800m sur les flancs du cratère. Impossible d'étendre les doigts dans des gants de ski pourtant bien techniques. Rien n'arrête le froid malgré: la Gaure Teks, la doudoune Pata, la polaire Norzfesse, la micro-polaire, la laine de mérinos, le t-shirt manches longues...





Nous arrivons cependant au cratère, un trou de 200 mètres de profondeur recouvert d'un glacier en demi cercle. Deux de nos compagnons de la cordée voisine, également congelés malgré leur équipement d'hivernal persistent vers le sommet situé à l'autre côté du cratère. Nous les suivons sur ce faux-plat épuisant. À quelques mètres du sommets, le vent s'intensifie et nous désarçonne. Les rafales se transforment en un souffle puissant et régulier. Apparaissent alors quelques nuages malmenés par le relief. Il est 9h30, nous décidons de redescendre ! Après une deuxième pause "récupération d'orteils", nous redescendons épuisés au camp de base n°2. Après une sieste salvatrice et 2 litres d'eau cul-sec pour faire passer un début de mal de tête, nous descendons à toute vitesse les pierriers et les névés nous séparant du camp de base n°1.

Cerro Castillo depuis le San Jose


Vue sur le volcan Marmolejo depuis le cratère sommital du San Jose

Jour 4, nous redescendons tranquillement dans la vallée. À partir du refuge Plantat nous croisons de nombreux randonneurs. Les curieux nous questionnent sur notre ascension, certains nous félicitent. Nous sympathisons avec 2 couples de chiliens passionnés de trekking et de nature. Ainsi se termine notre première saison estivale dans les Andes.


> Montage vidéo de 19 minutes disponible sur demande.

Précisions sur le parcours:
- Course réalisée du jeudi 10 au dimanche 13 mars 2016
- Temps approximatifs de parcours : J1 6h de montée jusqu'au camp de base 1 inférieur, J2: 7h de montée jusqu'au camp de base 2 classique, J3 5h30 de montée puis 4h30 de descente jusqu'au camp de base 1 inférieur, J4 4h de descente.
- Altitude de départ : 2400m
- Altitude max atteinte: 5830m
- Difficulté: avec une bonne acclimatation (4 sorties au dessus de 4000m les WE précédents avec 2 nuits en altitude par semaine) il n'y a pas de problèmes de MAM bien qu'il faille faire attention à maîtriser sa vitesse de montée et son alimentation. Nous n'avons pas utilisé de médicament contre la mal d'altitude, c'est plus intéressant d'écouter son corps et s'adapter. Il faut faire attention à l'eau et sous quel état on la trouve mais il y en a tout au long du parcours. Le froid ne fut pas intense sauf à partir du col où c'est devenu insupportable à cause du vent. Des vêtements techniques hivernaux auraient été nécessaires. L'utilisation du GPS nous a permis de sortir du glacier et de marcher 3h de nuit sans se poser de questions. Le glacier est moins exposé aux pierriers mais rallonge la route et présente une recherche d'itinéraire pour éviter les crevasses. En maîtrisant les descentes de pierriers et de névés les 3500m de descentes sont envisageables le 3ème jour, cependant c'est plus sympa de prendre son temps.